Château (place du) N°02

Palais Rohan (musées Archéologique, des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs). Entre 1731 et 1742, le cardinal, prince évêque de Strasbourg, Armand Gaston de Rohan-Soubise, fait reconstruire le palais épiscopal selon les plans du premier architecte du roi, Robert de Cotte. Après la démolition de l’ancien bâtiment en 1731, les travaux commencent dès 1732, sous la direction de Joseph Claude Massol, architecte de l’évêché, et progressent du sud (côté Ill) vers le nord (place du Château). L’inscription commémorative mise en place en 1741 (au revers de la façade d’entrée) a été supprimée en 1791. En 1742, achèvement du palais par la construction de la terrasse au sud et du grand portail d’entrée au nord. Les mascarons de la façade sud, d’un maître anonyme, datent de 1735-1736. Ceux de la façade sur cour, généralement attribués à Robert Le Lorrain, dataient vers 1736. L’un d’entre eux a été refait tout de suite après la guerre, les autres ont sans doute été plus ou moins restaurés à une date indéterminée, mais ont finalement été remplacés, pour quatre d’entre eux en 1982 par l’atelier Lemasson de Paris et pour les quatre autres, en 1993 par l’atelier Schické de Colmar. Ceux de la façade d’entrée, donnant sur la place, tous à sujet religieux, sont attribués à l’atelier de Le Lorrain, en partie de sa main et en partie de celle de Gaspard Pollet, ils sont datés vers 1737-1738.

Les façades à mascarons sont toutes parementées en grès de Wasselonne. Ils se situent tous au rez-de-chaussée, sur les baies en plein cintre, selon la tradition de Versailles.

Dix-huit mascarons à la façade sud, vers l’Ill (1735-1736)

Têtes stylisées et idéalisées, avec paupières bien marquées, mais yeux aux iris non gravés ; certaines têtes se détachent sur des cartouches, d’autres sont simplement entourées d’éléments végétaux ou d’attributs. À l’extrême gauche, sous la salle d’ordination du pavillon de la bibliothèque, tête de jeune femme voilée, yeux baissés, incarnant, selon Jean-Daniel Ludmann, la Religion . Ensuite, sur le bâtiment principal, sous le balcon de gauche (et en pendant sous le balcon de droite), trois têtes sans attribut particulier, représenteraient les Heures  selon l’hypothèse de Louis Grodecki. Elles pourraient aussi bien incarner des Divinités des eaux et de la terre  : deux Naïades  (?) coiffées à l’antique, nœud dans les cheveux, perle en pendentif, sur un cartouche à fond ondé, entourant une Divinité champêtre  masculine (Sylvain  ?), à rameaux de chênes noués sous le menton. Se succèdent sur le corps de bâtiment central, la série des Éléments  : Neptune  (incarnant l’Eau) avec trident à gauche, entouré de roseaux, et dont la couronne a été bûchée en forme de bonnet au moment de la Révolution ; Cybèle  (la Terre) couronnée du traditionnel mur d’enceinte, entourée de fruits et d’épis ; Jupiter  (le Feu) entouré de flammes et d’éclairs ; Junon  (l’Air), avec diadème et plumes de paon. Aux Éléments succèdent des divinités qui représentent les Vertus  du prince-évêque : Hercule  incarnant la puissance, la force et la protection, coiffé de la peau du lion de Némée, entouré de branches de chêne et de deux massues ; Minerve  incarnant la sagesse, avec casque à panache, entourée de rameaux d’oliviers, cuirasse ornée d’une Gorgone ; Mars  représentant la valeur et la gloire, avec casque à branches d’oliviers et palmes flanquant le cartouche. Pour finir, suit la série des Saisons  : le Printemps  (Flore) entouré de fleurs dont les tiges sont nouées sous le menton ; l’Automne  (Bacchus) à pampres de raisins noués de même ; l’Été  (Cérès) à épis de blés noués ; l’Hiver  (Saturne ou Vulcain), vieillard à capuche de fourrure drapée et branches de chêne (il a inspiré de nombreux mascarons dans la ville) ; puis sur l’avant-corps de l’extrémité droite, sous le balcon (en pendant à celui de gauche), trois figures d’Heures  ou de Divinités aquatiques et champêtres  (?) : un Sylvain  (?) à rameaux de lierre noués sous le menton entre deux Naïades  coiffées à l’antique, ruban dans les cheveux et palmes flanquant le cartouche à ondes qui les porte.

Neuf mascarons (refaits) à la façade nord sur cour d’honneur

Façade sur cour d’honneur

Façade sur cour d’honneur

dont l’exécution ou les modèles de 1736, étaient de Robert Le Lorrain (les mascarons actuels sont tous des copies). Les têtes, en relief sur les linteaux, sont dépourvues de cartouches et d’attributs, les yeux sont gravés. Ce sont les mascarons d’origine, mais déjà restaurés (restauration attestée par des photographies réalisées en 1980 sous différents angles) qui ont servi aux études de Louis Grodecki et de Jean-Daniel Ludmann. Selon les identifications proposées par Louis Grodecki, ces mascarons auraient représentés en alternance les Quatre Tempéraments  illustrés par des têtes expressives d’hommes et les Quatre parties du monde  par des têtes de femmes aux traits lisses (partout ailleurs en ville ce thème est illustré par des têtes d’hommes). Le Flegmatique , vieillard barbu (refait par l’atelier Lemasson en1982), l’Asie , avec diadème à perle (refaite en1982), le Mélancolique , vieillard barbu (refait par l’atelier Schické, en 1993), l’Europe , avec diadème (refaite en 1993), le Bouffon  (remplacé après la guerre) à barbiche, incarnant la Sagesse (sa coiffe à plumes ne correspond pas à l’original qui portait un diadème), l’Afrique , avec bandeau, plusieurs tresses dont deux nouées sous le menton (refaite en 1993), le Colérique , à courte barbe (refait en1982), l’Amérique , à aigrette et boucles d’oreilles (refaite en 1993), le Sanguin , jeune homme légèrement souriant (refait en1982).

Seize mascarons aux façades d’entrée, place du Château (1738)

Vue d’ensemble vers la cathédrale

Vue d’ensemble vers la cathédrale

représentant selon l’abbé Le Lorrain, fils du sculpteur, onze «prophètes» et cinq «prophétesses». Dans leur étude des mascarons, Louis Grodecki et Jean-Daniel Ludmann ont proposé des identifications possibles qui sont reprises ci-dessous. Les mascarons sont tous de grande taille, sans cartouches, sculptés sur les clés de cintre et débordant sur les contre-clés voisines ; les têtes sont expressives pour les hommes, idéalisées pour les femmes, les yeux sont le plus souvent gravés. À l’extrême gauche, vers la rue de la Râpe : Josué , casqué, successeur de Moïse ; Rahab  (?), jeune prostituée (identification douteuse) ; Baruch  ou Daniel  (?) jeune homme à cheveux longs ; Jérémie  ou Ézéchiel  (?), barbu ; Esther  (?) à diadème et double rang de perles ; Isaïe  (?) à belle barbe ; Anne la prophétesse  (ou Anne, mère de Samuel selon J-L Faure) lève les yeux au ciel. À notre avis cette tête couverte d’une draperie, ressemble davantage avec sa forte mâchoire et son cou puissant à une tête d’homme dans la force de l’âge qu’à une tête de vieille femme ; s’il s’agit bien comme nous le pensons d’un prophète, nous retrouvons les chiffres donnés par l’abbé Le Lorrain dans son Mémoire pour le nombre des hommes (11) et des femmes (5). Moïse , avec les cornes de lumière ; Aaron , frère de Moïse avec la tiare des grands prêtres ; Marie  (?), sœur de Moïse et d’Aaron ; David roi  (ou plus vraisemblablement le roi Salomon ) les yeux au ciel, sa couronne a été bûchée en 1794 par le sculpteur Malade ; Judith  ou Déborah  (?) avec bouquet de palmes dans les cheveux ; Daniel  ou Jérémie  (?, ou encore Job ?, selon J-L Faure), les yeux baissés ; Élie  ou Baruch  (?, ou Samuel selon J-L Faure) avec coiffe à gland, Bethsabée  (?) à petit diadème ; David  pâtre, avec toison de berger.